RUSSIE – LE SEDOV

Une semaine à bord du quatre-mâts Sedov pour le Figaro Magazine

Ce superbe navire école russe, long de 117,5 mètres, est considéré comme l’un des plus grands voiliers au monde. Chaque année, il effectue un gigantesque périple de Vinius à Sébastopol pour former les futurs officiers de la marine marchande russe. Pour les besoins d’un reportage, le magazine m’a envoyé, avec un jeune journaliste, suivre le tournage d’Ushuaia, l’émission de Nicolas Hulot. L‘équipe de la télévision se compose d’un réalisateur, un preneur de son et un caméraman et nous nous retrouvons à bord du bateau dans le port de Hambourg. Nous devons quitter l’Allemagne dès l’aube pour rejoindre Cherbourg dans six jours.

Nous sommes un 2 janvier, la température ne dépasse guère les trois degrés et nous n’avons même pas la possibilité de nous réchauffer avec la vodka russe. Depuis quatre jours que le bateau est à quai, la cargaison d’alcool s’est épuisée. Heureusement que le journal nous a fourni un équipement suffisant, nous pourrons affronter les froids polaires.

On nous a proposé de partager une cabine d’équipage. D’étroites bannettes de 60cm de hauteur doivent nous permettre de nous reposer et nous ne risquons pas de nous ennuyer car nous avons de la compagnie. Des dizaines de blattes n’arrêtent pas de se balader au dessus de nos têtes ; conclusion, les cuisines du bateau ne sont pas bien loin. Un confort spartiate, difficilement comparable à celui des paquebots de croisière…

Le souvenir le plus impressionnant qui me restera de cette expédition, c’est le jour où j‘ai dû monter en haut du mat principal, à plus de 70 mètres de hauteur. Le caméraman et le preneur de son ont été choisis par Nicolas Hulot pour leurs spécialités de montagnards. Ils sont habitués à travailler dans des conditions extrêmes auxquelles nous sommes rarement confrontés. Je dois être à la «hauteur», je me joins donc à eux. Pour assurer notre protection, nous nous sommes équipés de baudrier de secours fixé à un mousqueton, mais nous ne pouvons fixer cette sécurité que lorsque nous serons à l’arrêt. Dès que nous voulons progresser, il faut le détacher et donc, ne plus être protégé. Au début de l’ascension, il n’y a guère de difficultés. La largeur de l’échelle de coupé fait au moins deux mètres de large. Mais plus on monte, plus les « barreaux » se rétrécissent. Lorsque nous arrivons au sommet, les dernières marches se résument à de simples cordages enduits de bitume, à peine suffisants pour qu’une chaussure puisse s’y placer.

Du haut de la dunette, le spectacle est époustouflant. Comme le bateau gîte, toutes voiles dehors, nous nous retrouvons à la verticale, non pas du pont qui pourrait nous rassurer, mais au dessus des flots en furie. L’effet est terrifiant. Heureusement que mon œil pris pas l’attention dans le viseur, sinon je crois que le vertige s’emparerait de moi face à cette vision dantesque.

Reportage Christian VOULGAROPOULOS